Nummenmaa

#4: Le Storytelling ?

November 28, 2011      Lettres      Philippe Gouillou      4 responses

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Si un publicitaire vous raconte une histoire, vous le croirez ? Peut-être pas, mais vous aurez plus tendance à acheter. Le “Storytelling” est tellement efficace qu’il est maintenant utilisé par les agences, les journalistes et même les politiciens pour vous convaincre.


1. Le Storytelling ?

Rob Walker (journaliste culturel) et Josh Glenn (auteur) ont pris 100 objets de très faible valeur ($1,25 unitaires), ont demandé à des écrivains d’écrire sur ces objets, de leur inventer une histoire, puis les ont mis aux enchères : ils en ont obtenu plus de 8 000 dollars (soit plus de $6 500 de bénéfice). C’est ce qu’ils ont appelé le “Significant Objects Project” qui s’est déroulé en deux phases, de juillet 2009 à octobre 2010.

En 2009, toujours, une agence australienne (George Patterson Y&R) a acheté un produit insignifiant sur Ebay et, aussitôt reçu, l’a remis en vente sur le même site mais avec une description totalement délirante : ils l’ont revendu 5 fois plus cher.

Ce ne sont pas là des exemples isolés : chacun peut en faire l’expérience pour toute vente sur Internet (je l’ai faite). Dan Ariely (célèbre chercheur et auteur en Economie Comportementale) rapproche cette efficacité de l’Endowment Effect, ce biais cognitif qui nous fait accroître la valeur perçue de ce que nous possédons (on parle souvent de “valeur affective”).

En fait il y a beaucoup plus derrière cette efficacité : ces deux exemples sont des exemples de Storytelling, c’est-à-dire de l’utilisation de cette méthode maintenant à la mode qui consiste à raconter des histoires pour vendre. Et le storytelling intervient à plusieurs niveaux. Au delà de la simple émotion, on remarque que les histoires sont les fondements de la culture humaine. On peut citer bien sûr les textes sacrés de toutes les religions, mais aussi les autres mythes : à toutes les époques, et sans doute dans toutes les cultures, les humains se sont raconté des histoires, pour expliquer le monde ou pour comprendre leur vie. On dit même que les Celtes préféraient la légende à la réalité.

Raconter une histoire n’est pas simplement rajouter de l’émotion, c’est aussi donner un sens, une explication, une valeur à ce qui est raconté. Racontez-vous votre dernière semaine de deux manières différentes et non seulement vous éprouverez des émotions différentes mais vous aurez aussi une compréhension différente des processus en cours. Raconter une histoire à quelqu’un est lui imposer son interprétation : c’est un acte de pouvoir extraordinaire.

Une histoire peut être supernaturelle (Boyer, 2005 pp 240-241), comme dans l’exemple australien ci-dessus, mais toute histoire n’aura pas d’impact. Il faut que l’histoire donne un sens et qu’elle concerne l’Information Stratégique (Boyer, 2000).

Application pratique

  • L’application est universelle : les exemples cités ne concernaient que la vente, mais les entreprises l’utilisent de plus en plus pour la motivation interne des employés, les politiciens pour gagner des voix, les journalistes pour gagner du lectorat, etc. etc.

  • L’application est facile : raconter des histoires est naturel, la vraie difficulté est de les rendre plus ou moins attractives.

  • L’application est dangereuse : une histoire qui a du succès colle à l’entreprise pendant longtemps, ce qui peut gêner lors d’évolution de l’entreprise ou un changement de culture dominante, de mode.

  • L’application est obligatoire : si vous n’imposez pas votre propre histoire, soit vous n’existerez pas, soit d’autres vous en imposeront une.

Photo : “La Grande Epopée des Celtes, tome 1: Les Conquérants de l’île verte” de Jean Markale


2. Sexe : Le cerveau voit plus vite les personnes nues

Hietanen et Nummenmaa (2011) ont mesuré les réactions du cerveau à des photos, et le résultat a été net : nous sommes bien programmés pour nous intéresser à l’essentiel !

Trouvé via Insoliscience qui en fait une excellente syntèse. Extrait :

Les résultats ont montré qu’en moins de 0,2 seconde le cerveau traitait les images des corps nus plus efficacement que les images des corps vêtus. En fait, moins les mannequins portaient de vêtements sur les photos, et plus le traitement de l’information était élevée : les réactions du cerveau étaient les plus fortes quand les participants regardaient les images de corps nus, ensuite (par ordre de rapidité de traitement) lors du visionnage des photos en maillot de bain et enfin avec les images de corps habillés. Les réponses cérébrales des hommes étaient plus fortes face aux images de femmes nues que face aux corps d’hommes nus, tandis que les réactions des cerveaux des participantes féminines n’étaient pas affectées par le sexe des corps présentés.

Insolicience : “La nudité règle le cerveau” vendredi 18 novembre 2011

Photo : Figure 1 de l’article de Hietanen et Nummenmaa – Licence CC-BY


4. Ailleurs : Les marques occupent 51% de nos conversations à table

Le site Canada.com publie une interview de Martin Lindstrom qui nous apprend :

  • 51% de tout ce dont nous parlons au diner concerne une marque ou un service commercial

  • Pour étudier l’efficacité du Bouche-à-Oreille, des chercheurs ont implanté une famille composée spécialement (des acteurs) dans un quartier. Les résultats ont dépassé les espérances…

Lien :Brandwashed: How marketers get people to buy”   By Hollie Shaw, Financial Post November 25, 2011 (Mise à jour du 11 Fev. 2013 : remplacement du lien (mort) par un miroir)

Photo : Martin Lindstrom by Blue Murder Studios, xx


Articles cités :

Boyer, P. (2000). Functional Origins of Religious Concepts: Ontological and Strategic Selection in Evolved Minds. The Journal of the Royal Anthropological Institute, 6(2), 195-214. Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland. doi:10.1111/1467-9655.00012

Boyer, P. (2005). Gods and the Mental Instints That Create Them. In J. D. Proctor (Ed.), Science, Religion and the Human Experience (pp. 237-260). New York: Oxford University Press.

Halevy, N., Chou, E. Y., Cohen, T. R., & Livingston, R. W. (2011). Status conferral in intergroup social dilemmas: Behavioral antecedents and consequences of prestige and dominance. Journal of personality and social psychology. doi:10.1037/a0025515

Hietanen, J. K., & Nummenmaa, L. (2011). The Naked Truth: The Face and Body Sensitive N170 Response Is Enhanced for Nude Bodies. (H. P. Op de Beeck, Ed.)PLoS ONE, 6(11), e24408. doi:10.1371/journal.pone.0024408


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Citation de cette page :

(2011) : "Lettre Neuromonaco #4: Le Storytelling ?". ( Neuromonaco. Retrieved from https://neuromonaco.com/lettres/lettre4.htm on 20 Dec 2014. 1141 words.

[Lettre Neuromonaco #4: Le Storytelling ?](https://neuromonaco.com/lettres/lettre4.htm). Philippe Gouillou. _Neuromonaco_. 28 Nov 2011



4 Responses to “#4: Le Storytelling ?”

  1. […] Lettre 4-1. : La "valeur affective" (le biais qui nous fait donner plus de valeur à ce que nous possédons) est liée à l’efficacité du Storytelling […]

  2. x says:

    Le lien “Brandwashed: How marketers get people to buy“ est mort.

  3. […] de l’ordre usuel “Quoi – Comment – Pourquoi” (on retrouve le storytelling présenté Lettre […]

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