stress-440x270

55: Le Stress

January 21, 2013      Lettres      Philippe Gouillou      no responses

Tagged with:



Le stress tue mais sans stress on meurt d’ennui : comment choisir ? Aussi : les entrepreneurs n’utilisent pas leur cerveau comme les managers, on ne sait toujours pas comment le nez fait pour sentir, mais on peut prévoir qui va payer les taxes, impôts et autres prélèvements.

1. Stress

Stress

Le stress n’a plus bonne presse : encensé il y a quelques années dans le monde professionnel, il est maintenant accusé de tous les maux[1], et la distinction entre les stress positifs (“eustress”) et négatifs (“distress”) devient plus rare.

Le terme “stress” désigne à la fois tout ce qui vient perturber l’homéostasie (ie: le maintien de l’équilibre dans un environnement changeant) et l’ensemble des réponses de l’organisme à ces agressions.

Tout changement, quel qu’il soit peut provoquer du stress : l’organisme doit s’adapter. Il est important de noter qu’il s’agit d’adaptations extrêmement rapides, qui peuvent impacter des décisions correspondant à des domaines essentiels. Par exemple : les hommes stressés préférent des femmes avec plus de réserves graisseuses (Swami & Tovée, 2012 ; déjà cité Lettre 43.1: “La mode en tant que Handicap“).

Comme le self-contrôle, le stress est lié au taux de sucre :

  • Ulrich-Lai et al., 2010 ont montré que l’ingestion de sucrose et les rapports sexuels réduisent le stress au travers du système de récompense du cerveau

  • Kim et al., 2013 ont trouvé que les étudiants Coréens les plus stressés consomment plus de sucre.

Les hypermarchés peuvent ainsi justifier leur placement des sucreries à côté des files d’attente des caisses…

Différences sexuelles

Bien évidemment, les hommes et les femmes ne réagissent pas de la même manière au stress :

  • Les hommes stressés sont plus agressifs (“Fight”) alors que les femmes cherchent à réduire l’intensité du conflit par plus de relationnel (Taylor et al., 2000), ce qui explique probablement une partie de l’efficacité des techniques de drague des “Pick-Up Artists” (“PUA” : Artistes de la drague)[2].

  • Les zones du cerveau impliquées pendant un stress ne sont pas les mêmes chez les hommes que chez les femmes (il n’y a qu’un faible recouvrement (overlap) : Wang et al., 2007)
  • La presse négative ne stresse que les femmes : Marin et al. (2012) ont exposé pendant 10 minutes des hommes et des femmes à des nouvelles (réelles) neutres ou négatives, et ont régulièrement mesuré leurs taux de cortisol. Seules les femmes ont montré une différence : la presse négative a bien un impact sur le stress, mais seulement sur les femmes. L’effet est d’autant plus insidieux que les femmes avaient mieux mémorisé 24h après ces mauvaises nouvelles.

  • L’ingestion de caféine sous stress augmente l’efficacité des femmes, mais réduit celle des hommes (St. Claire et al., 2010)

Stress et psychiatrie

Le stress est surtout associé à trois types de maladies psychiatriques : la dépression, le burnout et le PTSD (“Post-Traumatic Stress Disorder”) :

  • Une trop longue exposition à de fort taux de cortisol (l’hormone du stress) peut provoquer une dépression. Des médicaments ont donc été trouvés pour baisser le taux de cortisol, mais on s’est aperçu (Rao et al., 2012) que la cortisol réduit le risque de PTSD (baisser son taux n’est donc pas nécessairement une très bonne idée).

  • A l’opposé, une chute du taux de cortisol est associée au “Burnout” (Syndrome d’épuisement professionnel[3])

  • Le stress augmente les rémémorisations de souvenirs non liés et Ježek et al. (2010) ont émis l’hypothèse que ces rappels associeraient d’anciens souvenirs non stressants au stress, augmentant l’effet négatif des troubles liés au stress.

  • Pour limiter les risques de PTSD après un événement traumatisant il faut… ne pas dormir. Le basculement en mémoire à long terme se faisant notamment pendant le sommeil, il faut éviter de s’endormir à chaud, et au contraire essayer de décharger au maximum ses émotions avant.

    Holmes et al. (2009) proposent d’exploiter la fenêtre de 6 heures permettant de perturber la mémorisation pour surcharger le cerveau par des jeux comme Tetris, afin d’éviter les flashbacks.

  • Le PTSD pourrait être traité en reprogrammant la mémoire (selon le principe présenté Lettre 50.5 : “C’est prouvé : la mémoire se recrée à chaque rappel“). Pour cela, la thérapie par les mouvements des yeux (EMDR : Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est de plus en plus considérée (voir Scientific American)

Stress et marketing

Georges et Badoc (2004) considèrent qu’il est nécessaire de maintenir un certain niveau de stress lors de l’acte d’achat (assez pour attirer l’attention, pas trop pour ne pas faire fuir) :

“Les études neuromarketing s’efforcent de déterminer le « point S », qui présente le niveau idéal d’incertitude pour favoriser une activité mentale. L’entreprise peut régler au « point S » près le niveau d’astreinte d’un environnement pour favoriser l’achat qui se fera exactement au « point S » de cette activité.”
Georges & Badoc, 2004, p. 39

Ils précisent dans la suite du livre que ce niveau de stress doit être adapté aux circonstances (exemple : bruit ambiant) et à la clientèle visée (exemple : son âge).

D’un autre côté, Pham et al. (2010) ont trouvé que les personnes relaxées accordent une plus grande valeur monétaire aux produits : relaxer ses clients permettrait d’augmenter les prix.

Notes

  1. Les Directives Européennes (depuis 1989) et la Loi Française (depuis 2009) imposent aux employeurs de lutter contre le stress au travail, voir la synthèse d’Eric Scholler (23 septembre 2009) : “Stress au travail : des directives européennes… à la législation française“.

  2. Un des PUA les plus célèbres, David De Angelo, conseillait d’avoir un conflit avec une femme lors de la première rencontre (“Mess with her“).

  3. La page Wikipedia FR sur le burnout est très complète : Syndrome d’épuisement professionnel

Liens


2. Le cerveau des entrepreneurs

Brain Electrodes

Laureiro-martinez et al. (2012) ont mis sous IRM fonctionnel 63 sujets, qui s’étaient auto-définis comme entrepreneurs ou managers, et les ont fait jouer à un jeu où ils devaient décider soit continuer sur la même machine virtuelle (exploitation), soit changer de machine (exploration).

Il est apparu que les entrepreneurs ne montraient pas plus de comportement d’exploration que les managers mais que quand ils le faisaient ils engageaient plus leur hémisphère droit.

Pour rappel (voir Lettre 23 : “Trois mythes de la psychologie“), la séparation hémisphère droit / hémisphère gauche du cerveau n’est pas aussi nette qu’on l’a cru, mais l’hémisphère droit apparaît plus impliqué, en complément de l’hémisphère gauche, dans les tâches créatives.

Lien :MIT Brain Scans Show That Entrepreneurs Really Do Think Different” By Anya Kamenetz. Fast Company. January 14, 2013

Image :Brain electrodes” By Alejandro Tamayo. Licence CC BY NC


3. Odorat : trivia

Chandler Burr

La Lettre 50 (“Perception et mémorisation“) avait signalé qu’on peut maintenant créer des “odeurs blanches“. Sur le même thème, je viens de réaliser une revue de littérature sur le priming et l’odorat.

Vous trouverez ci-après quelques généralités sur l’odorat, puis quelques découvertes non incluses dans le rapport final mais qui m’ont amusées :

  • On ne sait pas comment le nez fait pour reconnaître les odeurs : la théorie dominante clé-serrure (qui défend la reconnaissance des formes des molécules) est de plus en plus remise en question par l’approche de Luca Turin qui défend une approche vibratoire (voir le superbe livre de Chandler Burr (2004) : L’Homme qui entend les parfums. (O. Versini, Trans.) (p. 345). Autrement.)

  • Selon le Sense of Smell Institute :

    • On se rappelle d’une odeur avec 65% de validité au bout d’un an, alors que le taux pour le souvenir visuel de photos n’est que de 50% après 3 mois

    • L’odorat est moins sensible le matin, notre capacité à percevoir les odeurs augmente au cours de la journée

    • Le nez peut sentir directionnellement et détecter d’où provient une odeur

    • Le sens du goût ne détecte que 5 sensations, toutes les autres composantes du goût proviennent de l’odorat [NdT : fortement remis en cause[1]]

    • Un humain moyen est capable de reconnaître environ 10 000 odeurs différentes

    • Un humain moyen peut percevoir une odeur de 2,013×10^-12 grammes (0.000,000,000,000,071 ounce)

    • Un humain moyen a environ 10 millions de récepteurs olfactifs (les chiens : 200 millions)

  • Selon Rowe et al. (2011) le sens de l’odorat serait à l’origine de la croissance du cerveau des mammifères (il y a 190 millions d’années).

  • Selon le Prof. Yehuda Shoenfeld, les femmes déprimées perdent de l’odorat, ce qui peut se remarquer par une trop forte utilisation de parfum[2].

  • Tyle et al. (2004) ont comparé les odeurs de 131 espèces de grenouilles (30 genres), principalement australiennes, en situation de stress. Les odeurs ont été notées de « plaisantes florales » à « repoussantes ». Ils ont gagné le Prix Ig Nobel 2005 pour ces travaux.

  • En 2009, des éducateurs du Minnesota ont cherché à interdire le déodorant Axe parce que des étudiants avaient trop cru la publicité (leur promettant des succès sexuels inespérés) et s’en aspergeaient[3].

Notes

  1. On ne sait pas combien de goûts différents nous sommes capables de percevoir : “Tip of the Tongue: The 7 (Other) Flavors Humans May Taste” By Adam Hadhazy. LiveScience. 06 January 2012.

  2. Why some depressed girls can’t smell the roses” Public release date: 3-Jan-2008

  3. Minnesota Educators Want To Ban Axe Body Spray“. Josh Loposer. Mar 27th 2009


4. Ailleurs : Qui paie les taxes, impôts et autres charges ?

Brain Electrodes

Le gouvernement crée encore une nouvelle taxe affectant votre domaine d’activité : quel en sera l’impact ? Qui va payer : les salariés, les actionnaires ou les consommateurs ?

Acrithène a mis en ligne un article très pédagogique qui montre que c’est le marché qui décide : ce sera toujours celui qui sera le moins sensible au prix, c’est-à-dire celui qui bénéficiera du moins de souplesse, qui supportera le plus le poids de la taxe, quels que soient son assiette et le discours officiel. C’est aussi vrai pour les impôts négatifs (les subventions).

Acrithène résume :

La répartition officielle et comptable des impôts ne reflète pas du tout ce qu’ils coûtent effectivement aux individus. Le discours politique sur le sujet est une fable.

Application pratique

La fiscalité est un élément majeur de l’environnement marketing des entreprises. La limpide explication d’Acrithène permettra à chacun de modéliser simplement, et donc prévoir, les impacts des prochaines taxations. On remarquera qu’ici la force est la souplesse, exactement comme nous l’avait appris La Fontaine sur les bancs de l’école.

Image et Lien :L’Etat ne décide pas de qui paie les impôts“. Acrithène. 2 janvier 2013


5. Video : A quel point êtes-vous prévisible ?

Règles : Vous mettez votre doigt sur “Start”, puis vous suivez les instructions : un mouvement (celui que vous voulez) vers une case adjacente (les diagonales sont interdites) à chaque fois que Richard Wiseman annonce un chiffre (1, 2, 3…). Petit à petit, il enlèvera les cases que vous n’avez pas choisies, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une…

Lien : How predictable are you?” by Richard Wiseman. November 15, 2012

Youtube: How Predictable Are You? (Better Quality Version) (2’24”)


6. Articles cités

Georges, P., & Badoc, M. (2010). Le neuromarketing en action : Parler et vendre au cerveau (1ère ed., p. 335). Eyrolles.

Ježek, K., Lee, B. B., Kelemen, E., McCarthy, K. M., McEwen, B. S., & Fenton, A. A. (2010). Stress-Induced Out-of-Context Activation of Memory. (M. Shapiro, Ed.)PLoS Biology, 8(12), e1000570. doi:10.1371/journal.pbio.1000570

Holmes, E. A., James, E. L., Coode-Bate, T., & Deeprose, C. (2009). Can playing the computer game “Tetris” reduce the build-up of flashbacks for trauma? A proposal from cognitive science. PloS one, 4(1), e4153. doi:10.1371/journal.pone.0004153

Kim, Y., Yang, H. Y., Kim, A.-J., & Lim, Y. (2013). Academic stress levels were positively associated with sweet food consumption among Korean high-school students. Nutrition (Burbank, Los Angeles County, Calif.), 29(1), 213–8. doi:10.1016/j.nut.2012.08.005

Laureiro-martinez, D., Brusoni, S., Canessa, N., & Zollo, M. (2012). An Ambidextrous Mind: An fMRI Study of Attentional Control, Exploration-Exploitation Decisions And Performance. CROMA.

Marin, M.-F., Morin-Major, J.-K., Schramek, T. E., Beaupré, A., Perna, A., Juster, R.-P., & Lupien, S. J. (2012). There Is No News Like Bad News: Women Are More Remembering and Stress Reactive after Reading Real Negative News than Men. (M. Uddin, Ed.)PLoS ONE, 7(10), e47189. doi:10.1371/journal.pone.0047189

Pham, M. T., Hung, I., & Gorn, G. (2010). Relaxation increases monetary valuations. SSRN: 1734347

Rao, R. P., Anilkumar, S., McEwen, B. S., & Chattarji, S. (2012). Glucocorticoids protect against the delayed behavioral and cellular effects of acute stress on the amygdala. Biological psychiatry, 72(6), 466–75. doi:10.1016/j.biopsych.2012.04.008

Rowe, T. B., Macrini, T. E., & Luo, Z.-X. (2011). Fossil evidence on origin of the mammalian brain. Science (New York, N.Y.), 332(6032), 955–7. doi:10.1126/science.1203117

St. Claire, L., Hayward, R. C., & Rogers, P. J. (2010). Interactive Effects of Caffeine Consumption and Stressful Circumstances on Components of Stress: Caffeine Makes Men Less, But Women More Effective as Partners Under Stress. Journal of Applied Social Psychology, 40(12), 3106–3129. doi:10.1111/j.1559-1816.2010.00693.x

Swami, V., & Tovée, M. J. (2012). The Impact of Psychological Stress on Men’s Judgements of Female Body Size. (T. Denson, Ed.)PLoS ONE, 7(8), e42593. doi:10.1371/journal.pone.0042593

Taylor, S. E., Klein, L. C., Lewis, B. P., Gruenewald, T. L., Gurung, R. a. R., & Updegraff, J. a. (2000). Biobehavioral responses to stress in females: Tend-and-befriend, not fight-or-flight. Psychological Review, 107(3), 411–429. doi:10.1037//0033-295X.107.3.411

Tyler, M., Smith, B., Williams, B., & Williams, C. (2004). A survey of frog odorous secretions, their possible functions and phylogenetic significance. Applied Herpetology, 2(1), 47–82. doi:10.1163/1570754041231587

Ulrich-Lai, Y. M., Christiansen, A. M., Ostrander, M. M., Jones, A. A., Jones, K. R., Choi, D. C., Krause, E. G., et al. (2010). Pleasurable behaviors reduce stress via brain reward pathways. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 107(47), 20529–34. doi:10.1073/pnas.1007740107

Wang, J., Korczykowski, M., Rao, H., Fan, Y., Pluta, J., Gur, R. C., McEwen, B. S., et al. (2007). Gender difference in neural response to psychological stress. Social cognitive and affective neuroscience, 2(3), 227–239. doi:10.1093/scan/nsm018


Share Button

Citation de cette page :

(2013) : "Lettre Neuromonaco 55: Le Stress". ( Neuromonaco. Retrieved from https://neuromonaco.com/lettres/lettre55.htm on 20 Dec 2014. 2502 words.

[Lettre Neuromonaco 55: Le Stress](https://neuromonaco.com/lettres/lettre55.htm). Philippe Gouillou. _Neuromonaco_. 21 Jan 2013



Comments are closed.

Read more:
rouge
58: Aucune décision n’est consciente

Vous croyez prendre des décisions consciemment réfléchies ? Aucune chance : la conscience est en retard, elle n'intervient qu'après que la décision...

Close