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32: Les stéréotypes sont vrais (généralement)

July 5, 2012      Lettres      Philippe Gouillou      3 responses

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Contrairement à ce qu’il est de bon ton de répéter, les stéréotypes sont généralement vrais et c’est même pour cette raison qu’ils ont de l’impact. Pour les communicants, ils sont un levier extraordinaire : un priming (amorçage) suffit à mettre la cible dans un état connu avec un comportement prévisible. A la condition de ne pas se planter…

1. Les stéréotypes sont vrais (généralement)

Stereotypes

Je peux etre maligne quand je veux mais les hommes n’aiment pas ça
Marilyn Monroe

Hasard du calendrier : en France les tribulations de la “first girlfriend” (d’autres appellations sont moins respectueuses) ont remis sur le devant de la scène le stéréotype de la femme jalouse et possessive qui utilise ses talents verbaux pour attaquer une autre femme. Nul doute que 24 heures avant le fameux Tweet, tout rappel de ce stéréotype aurait provoqué une cascade de réactions outragées. 

Les stéréotypes souffrent en effet d’une mauvaise image : pour toute la presse, et bien au delà, qualifier une opinion de “stéréotype” suffit à la disqualifier et est un moyen facile et efficace de traiter d’idiot profond tout opposant.

Pourtant, les stéréotypes sont généralement vrais et c’est l’opinion commune qui est erronée. Ils sont même doublement vrais :

  • Tout d’abord les stéréotypes sont des heuristiques (au sens de : raccourci de pensée, pour d’autres sens : Wikipedia FR), des agrégats d’expériences qui permettent de réagir rapidement en face d’un nouveau contexte ;

  • Ensuite ils ont un effet de réenforcement : ceux à qui on rappelle un stéréotype présenteront souvent un comportement et/ou des capacités correspondant à ce stéréotype (voir ci-après).

Dans une série de cinq articles titrés “All stereotypes are true, except… “ (“Tous les stéréotypes sont vrais, sauf…”), Satoshi Kanazawa remarquait en 2008 :

“Ce que l’on appelle “stéréotypes” correspond à ce que les scientifiques nomment “généralisations empiriques” et ils sont les fondements de la théorie scientifique. C’est ce que font les scientifiques, ils font des généralisations. Beaucoup de stéréotypes sont des généralisations empiriques sur une base statistique et donc en moyenne ils sont vrais. S’ils n’étaient pas vrais, ils ne seraient pas des stéréotypes.

Satoshi Kanazawa

La remarque de Kanazawa est cependant quand même trop journalistique : certains stéréotypes ne sont pas vrais.

Tout d’abord tous les stéréotypes ne sont pas des heuristiques, certains ont été (ou sont encore) imposés par les media dans des objectifs de propagande qui n’ont rien à voir avec l’aide à la décision. C’est le cas de la supposée plus faible intelligence des blondes (en fait, sur l’ensemble de la population : c’est l’inverse) comme du fait que dans les films le méchant soit toujours le plus blond, ce qui ne se retrouve pas dans la réalité (voir l’article de Steve Sailer).

Ensuite, certains stéréotypes étaient fondés sur des modes de pensée, des approches, qui ont depuis été réfutées : le cerveau humain n’est intuitivement pas bon en statistiques.

Quels sont les stéréotypes qui sont faux ?

Dans sa série d’articles, Satoshi Kanazawa considérait que les stéréotypes faux sont ceux basés sur l’apparence et il en cite quatre : la beauté n’est pas que dans l’oeil de celui qui regarde, elle n’est pas non plus limitée à l’apparence (“skin-deep”), on peut en fait “juger un livre à sa couverture” et tous les hommes extrêmement beaux ne sont pas homosexuels.

Il faut aussi, comme on l’a vu, rejeter les stéréotypes créés en tant qu’outils de propagande.

Au delà il semble qu’il n’y ait pas de règle générale, le seul moyen serait de les reprendre un à un et de les vérifier. Eric Barker (aka: Bakadesuyo) vient de mettre en ligne la liste de 72 “old sayings”, dont de nombreux stéréotypes, avec les liens vers plus de 100 études pour déterminer lesquels sont vrais, lesquels sont faux (en anglais).

Le problème général

Déterminer quels sont les stéréotypes sont vrais sur le grand nombre et lesquels ne le sont pas sur le grand nombre n’est en fait qu’une partie du problème :

Toute généralité qui est vraie sur le grand nombre ne l’est souvent pas au niveau individuel !

Exemple : il est vrai que les femmes sont en moyennes plus petites que les hommes de même origine, mais beaucoup de femmes sont plus grandes que beaucoup d’hommes.

Pour aller plus loin

  • L’omniprésente “lutte contre les stéréotypes” n’est pas simplement due à son efficacité en tant qu’outil de propagande pour décrédibiliser facilement ses opposants mais est aussi liée au mythe de la “Tabula Rasa” (le cerveau naîtrait vierge de toute pré-programmation et pourrait être indéfiniment programmé par l’environnement) et à la “confusion est/devrait être” (“Ought/is fallacy”). De nombreux critiques des stéréotypes croient sincèrement lutter contre leur effet qui serait magique (voir ci-après).

  • Satoshi Kanazawa a été bien sûr très fortement attaqué, et il avait finalement perdu sa chronique à Psychology Today en mai 2011 suite à un article titré “‬Why‭ ‬Black Women Are Less‭ ‬ Physically Attractive Than Other Women” (“Pourquoi les femmes noires sont moins attirantes physiquement que les autres femmes“).

    Il s’agissait d’un sujet trop politiquement sensible pour que le débat scientifique puisse s’y tenir et même le renommage rapide par les éditeurs en “‬Why Are Black Women Rated Less Physically Attractive Than Other Women,‭ ‬But Black Men Are Rated Better Looking Than Other Men‭?‬” (“Pourquoi les femmes noires sont notées moins attirantes physiquement que les autres femmes mais les hommes noirs notés comme plus beaux que les autres hommes” (!)) n’avait pas suffit.

    Erik Holland en fait la critique scientifique sur Feminine Beauty (en anglais).

Liens :


2. L’impact des stéréotypes

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Ce qui est reproché aux stéréotypes n’est pas seulement d’être des généralisations qui peuvent être abusives (comme le montre le dessin de XKCD ci-dessus) mais aussi d’avoir un impact sur le comportement et les états internes des personnes ciblées. On remarquera que l’effet des stéréotypes est très lié au priming (amorçage).

Le problème est triple :

  1. Certains stéréotypes apparaissent avoir un impact. Par exemple, Carr & Steele (2010) ont trouvé qu’un simple priming (amorçage) de stéréotypes sexués impactait les choix financiers des femmes.

  2. Certains stéréotypes agissent sans qu’on en ait conscience. Par exemple, Riegle-Crumb & Humphries (2012) se sont aperçues que les professeurs de maths montraient un stéréotype contre les femmes blanches, mais pas les noires (voir l’article de Slate). 

  3. Supprimer le stéréotype (en en faisant prendre conscience) ne suffit pas toujours à en supprimer l’effet : Follenfant & Ric (2010) l’ont montré sur les capacités cognitives des sportifs (stéréotype : bon en sport égale mauvais ailleurs)

Les stéreotypes ont donc le pouvoir extraordinaire d’enfermer une personne dans un rôle, avec un comportement prévisible, sans qu’elle s’en aperçoive toujours et sans qu’elle puisse toujours s’en dégager. Cette force des stéréotypes est justement due partiellement à leur validité sur le grand nombre.

Les limites

L’effet des stéréotypes reste cependant limité : ils peuvent être vus comme un point d’accroche pour les primings, mais ils ne peuvent modifier des comportements plus profonds non plus que des capacités sur le long terme.

Pour exemple : la plus célèbre étude sur l’impact des stéréotypes est celle sur l’effet Pygmalion (Rosenthal & Jacobson, 1968) qui avait “trouvé” que les attentes d’un professeur avaient un impact sur l’Intelligence Générale des élèves. En fait, comme le montre la méta-étude de Spitz (1999), répliquer cet effet s’est révélé extrêmement difficile et rien n’indique que l’Intelligence Générale des élèves ait été impactée.

Application pratique 

Même limitée, cette force des stéréotypes est un levier extraordinaire aux mains des communicants : il leur suffit d’un priming (amorçage) pour provoquer chez la cible un comportement prévisible et modifier son état d’esprit. Un exemple simple en avait été donné dans la Lettre 11 : 2. Comment rendre votre produit plus masculin (ou féminin) ?

Attention cependant aux effets secondaires : une analyse complète préalable est nécessaire !

Liens :

Image : xkcd n°385 : How it Works (Title: “It’s pi plus C, of course.”) – Licence CC-BY. Traduction : A gauche : “Oh, tu es nul en maths“, A droite : “Oh, les filles sont nulles en maths


3. Les deux règles du succès

Les deux règles du succès

Cette citation de Roger H. Lincoln pour rappeler que ces lettres ne sont que du teasing sous forme d’échantillon gratuit : je n’y communique qu’une petite partie de ce qu’il est nécessaire de connaître pour exploiter des découvertes en psychomarketing et neuromarketing.

Ne prenez pas de risques inconsidérés : contactez-nous pour avoir accès à l’intégralité et bénéficier vous aussi de ces découvertes !

Traduction :Il y a deux règles pour le succès : 1. Ne dites jamais tout ce que vous savez.” (Roger H. Lincoln)


4. Panneau retiré parce que trop provocant

Uppsala : Panneau Cette news a quelques mois mais correspond bien au thème des stéréotypes : Uppsala (Suède) va changer tous ses panneaux de signalisation de passage piéton. Raison : “Les autorités ont estimé que la demoiselle représentée sur le panneau avait la poitrine trop imposante et la jupe trop courte.

Ce panneau avait pourtant été conçu et déployé dans un souci d’égalité des sexes : les panneaux usuels étaient jugés trop masculins…

Source et image :Un panneau de signalisation jugé trop provocant” – 7sur7.be – 23/02/12 16h02 qui se réfère au journal suédois “Uppsala Nya Tidning“.


5. Video : Publicité existentialiste

Une publicité XBOX saisissante qui exploite très bien un lieu commun (la vie est courte).

Youtube : Pub xbox Life is short (52″)


6. Articles cités

Carr, P. B., & Steele, C. M. (2010). Stereotype threat affects financial decision making. Psychological science : a journal of the American Psychological Society / APS, 21(10), 1411-6. SAGE Publications. doi:10.1177/0956797610384146

Follenfant, A., & Ric, F. (2010). Behavioral rebound following stereotype suppression. European Journal of Social Psychology, 40(5), 774–782. Wiley Online Library. Doi:10.1002/ejsp.649/full

Riegle-Crumb, C., & Humphries, M. (2012). Exploring Bias in Math Teachers’ Perceptions of Students’ Ability by Gender and Race/Ethnicity. Gender & Society, 26(2), 290-322. doi:10.1177/0891243211434614

Rosenthal, R., & Jacobson, L. (1968). Pygmalion in the classroom. The Urban review, 3(1), 16-20. Springer Netherlands. doi:10.1007/bf02322211

Spitz, H. H. (1999). Beleaguered Pygmalion: A history of the controversy over claims that teacher expectancy raises intelligence. Intelligence, 27(3), 199–234. Elsevier.


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Citation de cette page :

(2012) : "Lettre Neuromonaco 32: Les stéréotypes sont vrais (généralement)". ( Neuromonaco. Retrieved from https://neuromonaco.com/lettres/lettre32.htm on 20 Dec 2014. 1910 words.

[Lettre Neuromonaco 32: Les stéréotypes sont vrais (généralement)](https://neuromonaco.com/lettres/lettre32.htm). Philippe Gouillou. _Neuromonaco_. 05 Jul 2012



3 Responses to “32: Les stéréotypes sont vrais (généralement)”

  1. RT @neuromonaco: OUBLIEZ ce que veulent vous faire croire les médias : Les stéréotypes sont généralement vrais ! http://t.co/wnwRXQu3

  2. […] Nos biais sont orientés dans un sens connu (voir Lettre 32 : “Les stéréotypes sont vrais (généralement)“). […]

  3. […] Lettre de la semaine dernière remarquait que les stéréotypes sont généralement vrais, parce qu’ils sont des généralisations qui permettent […]

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