132: Viralité : les 3 degrés d’influence
November 3, 2014 Lettres Philippe Gouillou no responses
Tagged with: Publicité • RéseauxC’est une règle générale : nous influençons jusqu’à 3 degrés de séparation (amis d’amis d’amis)…
Premium : pourquoi nous vivons (probablement) dans une simulation et ce que ça change, et une influence publicitaire probable sur une (forte) différence sexuelle.
Sommaire
- Réseaux : Les trois degrés de séparation
- Le monde est (probablement) une simulation
- Femmes et ordinateurs
- Accès aux archives sur Neuromonaco.com
1. Réseaux : Les trois degrés de séparation
Les Lettres Neuromonaco ont fréquemment abordé la question des réseaux sociaux sur Internet et de la viralité (voir par exemple la Lettre 118) mais plus rarement celle de l’influence des réseaux (par définition sociaux) dans le monde réel : le Nombre de Dunbar (Lettre 18), le mythe des 6 degrés de séparation (Lettre 23), et la Superlinéarité des cités (Lettres 44 et 127). Cette section est donc la première d’une série sur ce thème.
Les trois degrés de séparation
James H. Fowler et Nicholas A. Christakis[2] se sont intéressés à l’influence que chacun a sur son entourage et ont trouvé une règle épidémiologique générale : nous influençons jusqu’à 3 degrés de séparation (amis d’amis d’amis).[1]
Pour ce faire, ils ont analysé les relations entre les 5124 personnes suivies depuis 1948 par l’étude longitudinale sur le coeur à Framingham, Massachusetts (juste à l’Ouest de Boston, à 200 km au NE de New York : ici sur Google Map) ainsi que leurs enfants.
Ils ont ainsi trouvé que le taux d’obésité était passé de moins de 10% en 1948 à 18% en 1985 et 40% en 2009. Mais cette explosion n’était pas régulière : elle s’est développée au cours des années selon un modèle épidémiologique depuis plusieurs foyers de départs. Avoir un ami obèse augmentait jusqu’à 171% les risques de devenir obèse soi-même, ce qui fait du réseau un facteur de risque beaucoup plus important que la génétique. L’effet se retrouvait même si les personnes habitaient loin l’une de l’autre : c’est le lien qui créait le risque.
Sur Wired, Johah Lehrer cite James Fowler :
“‘Votre ami qui habite loin a une influence aussi importante sur votre comportement que des amis habitant la porte d’à côté’ remarque Fowler. ‘Pensez-y de cette manière : même si vous voyez un ami une fois par an, cet ami changera toujours votre perception de ce qui est approprié. Et cette nouvelle norme va influencer ce que vous ferez.’ Un frère obèse vivant à des centaines de miles peut faire que vous mangerez plus. L’individu est un mythe romantique ; en fait aucun homme n’est une île.”
Wired[3]
Ce serait donc le changement de normes qui expliquerait (directement ou indirectement) l’effet d’épidémie. Et ils l’ont retrouvé pour le tabagisme, et même pour le bonheur :
Superorganisme
En février 2010, Nicholas A. Christakis a donné une conférence TED. Il y synthétise son modèle (l’image d’en haut est une copie-écran de cette conférence) et l’explique par l’approche “superorganisme” de la société humaine (voir Lettre 95).
A 15min 44s il explique :
“Notre expérience du monde dépend de la structure même des réseaux dont nous faisons partie, et du genre de choses qui circulent et se propagent à travers ces réseaux. Je crois que la raison pour laquelle c’est le cas, c’est que les êtres humains s’assemblent d’eux-mêmes pour former une sorte de super-organisme. Un super-organisme est une sorte d’ensemble d’individus qui adoptent ou évitent des comportements ou des phénomènes, qui ne sont pas réductible à l’étude des individus et doit être interprété par référence au collectif, et en l’étudiant, comme, par exemple, une ruche d’abeilles qui trouve un nouveau site de nidification, ou une volée d’oiseaux se soustrayant à un prédateur, ou un vol d’oiseaux capables de mettre en commun leur sagesse pour naviguer et de trouver un point minuscule, une île au milieu du Pacifique, ou encore une meute de loups capable d’abattre de grosses proies. Les super-organismes ont des propriétés qui ne peuvent pas être comprises seulement en étudiant les individus. Je pense que la compréhension des réseaux sociaux, comment ils se forment et fonctionnent, peut nous aider à comprendre, non seulement la santé et les émotions, mais toutes sortes de phénomènes comme la criminalité et la guerre et les phénomènes économiques comme les faillites bancaires, les écroulements du marché et l’adoption de l’innovation et la propagation de l’adoption des produits.”
Nicholas Christakis à TED
Les limites
Tout le monde n’est cependant pas d’accord avec Fowler et Christakis, et d’autres explications ont été proposées.
Par exemple, l’approche épidémique de l’emprisonnement a été contestée par Lum et al. (2014), qui ont calculé par simulation informatique que la différence moyenne de 3 mois de prison (de 14 à 17 mois) entre les condamnations des Blancs et Noirs américains suffit à expliquer au bout de 50 ans la différence actuellement constatée de taux d’emprisonnement (respectivement : 1% et 7%)[4].
Il n’est donc pas certain que l’effet “Trois degrés de séparation” soit aussi déterminant que le proclament Fowler et Christakis.
Notes
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Un lecteur me signale que si l’étude de Milgram (présentée Lettre 23) avait démontré que les 7 milliards d’habitants sont tous à 6 degrés de séparation, alors ces 3 degrés d’influence nous permettraient à chacun d’influencer, en moyenne théorique, 83 666 personnes, soit 0,0012 % de la population mondiale…
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Nicholas A. Christakis avait déjà été cité Lettre Neuromonaco 44.1 (“La croissance superlinéaire des villes”) sur la constatation que “tous les comportements prosociaux ne montrent pas d’augmentation superlinéaire (Arbesman & Christakis, 2011)”.
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Traduction depuis :
“Your friends who live far away have just as big an impact on your behavior as friends who live next door,” Fowler says. “Think about it this way: Even if you see a friend only once a year, that friend will still change your sense of what’s appropriate. And that new norm will influence what you do.” An obese sibling hundreds of miles away can cause us to eat more. The individual is a romantic myth; indeed, no man is an island.
Wired -
Rappel de la Lettre 84.4 : la fatigue décisionnelle du juge a une influence déterminante sur le taux d’emprisonnement…
Liens
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Wikipedia EN : Three degrees of influence
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TED (vost) : Nicholas Christakis: The hidden influence of social networks. Traduction par Pascal Delamaire, vérifiée par Salome Jack. Février 2010.
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The Buddy System: How Medical Data Revealed Secret to Health and Happiness. Jonah Lehrer. Wired Magazine, 17.10. Sept. 12, 2009
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Is prison contagious? Elizabeth Norton. ScienceMag. 26 June 2014
- Lettres Neuromonaco :
- 18 : “Les mèmes, les fans et Dunbar”
- 23 : “Le mythe des 6 degrés de séparation”
- 44 : “Urbanisation : le pouvoir des villes”
- 84.4 : “Justice : la prison par défaut (“Decision Fatigue”)”
- 95 : “Les Super-Organismes”
- 118 : “Techniques virales sur Internet”
- 127 : “Cités : les raisons du succès”
Références
Arbesman, S., & Christakis, N. A. (2011). Scaling of prosocial behavior in cities. Physica A: Statistical Mechanics and Its Applications. doi:10.1016/j.physa.2011.02.013
Fowler, J. H., & Christakis, N. A. (2008). Dynamic spread of happiness in a large social network: longitudinal analysis over 20 years in the Framingham Heart Study. BMJ, 337(dec04 2), a2338–a2338. doi:10.1136/bmj.a2338
Lum, K., Swarup, S., Eubank, S., & Hawdon, J. (2014). The contagious nature of imprisonment: an agent-based model to explain racial disparities in incarceration rates. Journal of the Royal Society, Interface / the Royal Society, 11(98), 20140409. doi:10.1098/rsif.2014.0409
2. Le monde est (probablement) une simulation
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3. Femmes et ordinateurs
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Citation de cette page :
Gouillou, Philippe (2014) : "Lettre Neuromonaco 132: Viralité : les 3 degrés d’influence". (03 Nov 2014) Neuromonaco. Retrieved from https://neuromonaco.com/lettres/lettre132.htm on 20 Dec 2014. 1373 words.
[Lettre Neuromonaco 132: Viralité : les 3 degrés d’influence](https://neuromonaco.com/lettres/lettre132.htm). Philippe Gouillou. _Neuromonaco_. 03 Nov 2014