82: Femmes et Luxe (et diamants)
September 16, 2013 Lettres Philippe Gouillou no responses
Tagged with: Femmes • StatutLe luxe, ça sert aux hommes à montrer aux femmes qu’ils ont des moyens et aux femmes à montrer aux autres femmes qu’elles ont des hommes qui ont des moyens… et qu’ils les dépensent pour elles. Le marché du diamant est précisément basé sur l’exploitation de cet effet.
Premium : enfin une solution pour protéger les hommes des femmes belles, des cartes démographiques montrant le monde sous un nouveau jour, et trois actualités sur le marketing de l’isolation, l’intelligence artificielle et le travail en équipe.
Sommaire
- 1. Pourquoi les femmes mariées achètent encore du luxe
- 2. Application pratique : le diamant
- 3. Solution : comment se protéger des femmes belles ?
- 4. Infographie : Population mondiale par Latitude et Longitude
- 5. Actualités (Premium)
1. Pourquoi les femmes mariées achètent encore du luxe
“The reason you haven’t felt it is because it doesn’t exist. What you call love was invented by guys like me, to sell nylons.“
Don Draper, Madmen[1]
La Lettre 6 avait montré que les achats de statut (luxe, …) sont liés à la compétition sexuelle, et qu’un simple priming (amorçage) suffisait à les augmenter, en citant notamment deux études de Vladas Griskevicius[2].
Chez les hommes, l’affichage de produits de luxes est un signalement à destination de l’autre sexe : l’homme montre qu’il a suffisamment de ressources disponibles pour en gaspiller sur de l’inutile (théorie du handicap[3])
Au travers de 5 études, Vladas Griskevicius et Yajin Wang (2013) montrent que chez les femmes aussi l’achat de produits de luxe est un signalement … toujours à destination des femmes.
Le but est de se protéger de la concurrence en signalant aux autres femmes que le partenaire romantique est dévoué (ça marche).
Ils ont trouvé :
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Les femmes considèrent qu’une femme affichant des produits de luxe a un partenaire romantique plus dévoué.
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Les jeunes femmes (ici : 137 étudiantes d’âge moyen 22 ans, SD = 3,6) ont dessiné des logos plus grands après un priming (amorçage) de jalousie face à la compétition qu’après un priming de séduction (voir image ci-dessus).
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L’étude 3 a confirmé que les résultats de l’étude 2 étaient expliqués par la protection du couple et pas par la simple présence d’une autre femme.
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Après un priming de jalousie face à la compétition, les femmes dépensent plus pour un bon de produits luxueux, mais seulement quand les personnes témoins sont des femmes.
-
L’étude 5 a montré que les femmes présupposent que les produits luxueux affichés par une autre femme ont été payés au moins partiellement par son partenaire romantique, qu’elles en déduisent que l’homme est plus dévoué pour sa femme, et que c’est cette implication financière qui les refroidit dans leurs tentatives de séduction (les auteurs emploient le terme “braconnage”).
En d’autres termes : les femmes obligent les hommes à leur offrir des produits de luxe dans le but (atteint) qu’ils aient moins d’opportunités d’être infidèles. Heureusement pour le marché du luxe que les hommes ne le savent pas !
Et ce n'est pas pour séduire, mais pour lutter contre la concurrence que les femmes affichent des marques : les femmes mariées sont directement concernées.
Notes
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“La raison pour laquelle vous ne l’avez pas senti est que ça n’existe pas. Ce que vous appelez amour a été inventé par des hommes comme moi pour vendre des collants.” (Don Draper, Madmen)
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D’autres études de ou avec Vladas Griskevicius sur des thèmes complémentaires sont citées dans les Lettres suivantes :
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Explications : Lettre 9 (“Comment être sûr de ne pas être trompé ? La Théorie du Handicap“) ; Application à la mode : Lettre 43 (“Les buts de la mode“).
Liens
-
Research reveals luxury products’ role in relationships (w/ Video). University of Minnesota. July 24, 2013
-
Women and Luxury Products: How a New Study Brings Up Old Anxieties. By Judith Ohikuareaug. The Atlantic. Aug. 7, 2013
-
The Defensive Message in a Designer Handbag. By Tom Jacobs. The Pacific Standard. September 11, 2013
-
Youtube: “The Rational Animal: How Evolution Made Us Smarter Than We Think” (3’29″”)
Références
Griskevicius, V., Tybur, J. M., Sundie, J. M., Cialdini, R. B., Miller, G. F., & Kenrick, D. T. (2007). Blatant benevolence and conspicuous consumption: when romantic motives elicit strategic costly signals. Journal of personality and social psychology, 93(1), 85–102. doi:10.1037/0022-3514.93.1.85
Wang, Y., & Griskevicius, V. (2013). Conspicuous Consumption, Relationships, and Rivals: Women’s Luxury Products as Signals to Other Women. Journal of Consumer Research.
Photos : Publicités Dior avec Charlize Thieron.
2. Application pratique : le diamant
Le marché du diamant en tant que produit de luxe est un marché spécial : un produit qui n’a strictement rien de rare, qui n’a pas la moindre utilité pratique, qui est présenté comme éternel mais qui n’a qu’une faible valeur de revente, et qui est vendu extrêmement cher à presque toute la population. Comment est-ce possible ?
La réponse est : pur psychomarketing. C’est l’exploitation de l’effet décrit en section 1 : le diamant quantifie l’engagement de l’homme.
L’histoire
Dans Priceonomics, Rohin Dhar revient sur l’histoire du marketing du diamant, en se référant notamment au célèbre article de Edward Jay Epstein de 1982 dans The Atlantic.
Il résume (traduction personnelle) :
“Nous aimons les diamants parce que Gerold M. Lauck nous a dit de les aimer. Jusqu’au milieu du XX° siècle, l’industrie de la bague de fiançaille avec diamant était petite et mourante. Le concept n’avait pas pris non plus en Europe. De plus, avec l’Europe au bord de la guerre, ça ne semblait pas être un marché prometteur.”
Priceonomics
Il a pourtant suffi d’une campagne en 1938, qui a positionné le diamant comme un symbole de statut :
“La campagne a tout de suite été rentable. En 3 ans, malgré la Grande Dépression, les ventes de diamants aux USA ont augmenté de 55% ! Vingt ans après, une génération entière croyait qu’une bague de fiançaille avec un diamant était une étape nécessaire du processus du mariage.
La machine marketing De Beers continua. Ils diffusèrent des prospectus suggérant, en partant de rien, qu’un homme devait dépenser un mois de salaire sur le diamant d’une bague de fiançaille. Ca a tellement bien marché que De Beers a décidé arbitrairement d’augmenter la suggestion à deux mois de salaire. C’est pour cela que vous croyez que vous devez dépenser deux mois de votre salaire sur une bague – parce que les fournisseurs du produit l’ont dit.
Aujourd’hui, plus de 80% des femmes américaines ont eu une bague avec diamant pour leurs fiançailles. La domination est complète.”
Priceonomics
L’explication
Le diamant présente les caractéristiques nécessaires :
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Le produit est totalement inutile : il correspond à 100% à la Théorie du Handicap
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Le produit est facilement et visuellement comparable (la taille se remarque) et les diamantaires communiquent énormément sur ce qui ne se voit pas (la “qualité”)
-
Le produit est durable (stable)
-
Grâce au cartel, le produit est maintenu artificiellement assez rare (pour éviter l’effet décrit par Goscinny dans Le Domaine des Dieux où la surproduction de menhirs finit par tuer le marché)
Le slogan “Un diamant est éternel” a permis d’exploiter ces caractéristiques pour positionner le diamant comme une unité de valeur de la relation, c’est-à-dire comme l’exemple le plus extrême de l’effet décrit par Wang & Griskevicius (2013, voir section 1 ci-dessus).
La Rolex à 50 ans
“Si à 50 ans on n’a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie !“
Jacques Séguéla (vidéo)
La publicité a été encore plus loin, ce n’est pas seulement la relation qui est quantifiée, mais au delà la personne elle-même.
Rohin Dhar le critique fortement :
“La prochaine fois que vous regardez un diamant, considérez ceci. Presque tous les mariages américains commencent avec un diamant parce qu’une bande de riches hommes blancs des années 40 ont convaincu tout le monde que sa taille détermine votre valeur propre. Ils ont créé cette convention – qu’à moins qu’un homme achète un (inutile) diamant, sa vie est un échec – alors qu’ils étaient assis dans une pièce, en train de torturer leur cerveau sur comment vendre des diamants dont personne ne voulait.
Priceonomics
Mais on peut aussi voir les choses de manière opposée : grâce aux marketeurs, chacun dispose d’un produit standard qui répond de façon normalisée au besoin de montrer l’engagement. Pouvait-on rêver mieux ? D’ailleurs : combien de ceux qui ont reproché à Séguéla sa sortie sur la Rolex n’ont pas acheté de diamant pour leurs fiançailles ?
Liens
-
Have You Ever Tried to Sell a Diamond? By Edward Jay Epstein. The Atlantic. Feb 1, 1982
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N. W. Ayer & Son (Wikipedia): founded in 1869, called itself the oldest advertising agency in the United States.
-
Diamonds Are Bullshit by Rohin Dhar. Priceonomics. March 19, 2013
3. Solution : comment se protéger des femmes belles ?
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4. Infographie : Population mondiale par Latitude et Longitude
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5. Actualités (Premium)
Cette section premium signale quelques découvertes récentes (qui feront peut-être l’objet de futures lettres) et autres liens intéressants.
Cette semaine : les achats des exclus, le prochain métier remplacé par des ordinateurs et la correction d’erreurs communes sur le travail en équipe.
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Citation de cette page :
Gouillou, Philippe (2013) : "Lettre Neuromonaco 82: Femmes et Luxe (et diamants)". (16 Sep 2013) Neuromonaco. Retrieved from https://neuromonaco.com/lettres/lettre82.htm on 20 Dec 2014. 1735 words.
[Lettre Neuromonaco 82: Femmes et Luxe (et diamants)](https://neuromonaco.com/lettres/lettre82.htm). Philippe Gouillou. _Neuromonaco_. 16 Sep 2013