8: Faire le bonheur de ses clients
January 2, 2012 Lettres Philippe Gouillou no responses
Tagged with: Design • Fidélisation • PrimingVous préférez des clients heureux ou des clients qui reviennent ? Et bien il est possible d’avoir les deux et certaines études aident pour y parvenir.
Sommaire
- 1. Faire le bonheur de ses clients
- 2. Restaurants : comment améliorer le goût des plats ?
- 3. Nouveau : les Archives 2011 de la Lettre sont en ligne
- 4. Publicité (inspiration) : Free Air Guitar
- 5. Articles cités
1. Faire le bonheur de ses clients
Ce n’est bien sûr pas le rôle des entreprises que de faire le bonheur de leurs clients, c’est le fond de commerce réservé des religions (et elles mêmes ne s’engagent que pour après la mort…) Oui mais voilà : on a déjà tous une tendance à vouloir que les gens autour de nous soient plus heureux, et en plus, même si taux de satisfaction ne signifie pas taux de fidélité, un client heureux est quand même un client qui a plus de chance de le rester (… client), et ça c’est important pour les entreprises. Alors comment faire ?
La solution la plus simple à mettre en oeuvre est de… limiter le choix offert à ses clients (Iyengar & Lepper, 2010). C’est ce qu’on appelle “Le Paradoxe du Choix” et il est assez logique : plus on a de choix, moins on peut être assuré d’avoir fait le bon, plus on risque les regrets et les remords et donc moins on est statisfait…
On peut aussi (ou à la place) aller plus loin en se basant sur les travaux de Daniel Kahneman (ex : Kahneman & Krueger, 2006 ; voir son intervention à TED). La première chose à faire est de distinguer l’expérience en elle-même de ce qui en est retenu : si votre client est revenu, ce n’est pas parce que son expérience précédente avait été bonne, mais parce que le souvenir qu’il en avait gardé était positif, c’est logique.
Le point important est que Kahneman a trouvé que ce souvenir n’est pas arithmétiquement lié à l’expérience vécue, mais qu’il dépend du pic le plus élevé (en positif ou négatif) et de la dernière impression : c’est la loi de l’apogée/fin.
Par exemple, Kahneman a demandé à des patients subissant une coloscopie de noter toutes les minutes leur degré de douleur ressentie, puis les a interrogés sur leur souvenir. Le graphe suivant montre les résultats des reports de deux patients :
et bien le Patient A a gardé un pire souvenir de l’intervention que le patient B !
Cet exemple concerne la douleur mais Kahneman a remarqué que cette même loi de l’Apogée/Fin se retrouve pour les expériences heureuses : la dernière impression et le pic seront déterminants dans la mémorisation.
Application pratique
La limitation du choix est généralement conseillée en ergonomie de site ecommerce (limiter les liens hypertextes) et plus généralement dans tous les domaines où le client est déjà bien ferré (au sens “pêche”). Elle présente un double risque :
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Grâce à la TV et Internet chacun a en permanence une illusion de choix quasi infini, son effet sera donc limité
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Un trop faible choix risque de faire fuir les clients ayant des besoins particuliers
Il est à remarquer que la plus grande librairie au monde, Amazon, ne pratique absolument pas cette stratégie : tout au long de l’acte d’achat elle propose des nouveaux produits “conseillés”.
La loi de l’Apogée fin est plus facilement appliquable : il faut s’assurer de la meilleure qualité de la dernière interaction avec le client, que ce soit à la caisse ou à la livraison (et Amazon a énormément investi dès le départ sur la qualité de ses livraisons).
En d’autres termes, il convient de remplacer le dicton célèbre par cette version mise à jour : “On n’a pas une nouvelle chance de faire une bonne dernière impression !”
Pour aller plus loin
- Comme on s’en doute le Paradoxe du Choix a aussi été étudié pour la vie privée et il est notamment cité pour expliquer pourquoi les mariages arrangés semblent plus heureux que les mariages d’amour…
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Science Etonnante a un excellent article sur les travaux de Kahneman : ” Que retient-on de nos expériences heureuses ou douloureuses ?“
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Daniel Kahneman vient de sortir un nouveau livre (Thinking, Fast and Slow) présenté sur Atlantico (“Pourquoi nous nous trompons autant : les deux modes de fonctionnement de notre cerveau“) et sur le New York Times (Two Brains Running).
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Il existe plein d’autres manières d’augmenter la satisfaction client, l’une d’entre elles, basée sur le priming, est décrite juste ci-après :
Photo : “Jackie Smith: great smile” by Chris Willis (Licence CC-BY)
2. Restaurants : comment améliorer le goût des plats ?
Il avait déjà été montré que rajouter une description positive à un plat dans un menu augmente à la fois les ventes de ce plat (Wansink et al, 2001) et la satisfaction du client (qui trouvait le plat meilleur : Cardello et al., 1985 ; Wansink et al., 2005). Nicolas Guéguen et Céline Jacob (2012) ont montré qu’il est possible de faire encore mieux en employant dans la description des termes liés à la famille et à la tradition (“Faits maison méthode grand-mère” par exemple).
Guéguen & Jacob notent que leur étude n’est probablement pas généralisable, qu’elle est trop marquée culturellement. Cette étude montre quand même l’efficacité du priming par le langage.
Photo : Pr. Nicolas GUEGUEN, Chercheur en sciences du comportement, Université de Bretagne-Sud (56 Vannes)
3. Nouveau : les Archives 2011 de la Lettre sont en ligne
Les Archives 2011 de la Lettre Neuromonaco sont en ligne :
5. Articles cités :
Cardello, A. V., Maller, O., Masor, H. B., Dubose, C., & Edelman, B. (1985). Role of Consumer Expectancies in the Acceptance of Novel Foods. Journal of Food Science, 50(6), 1707-1714. doi:10.1111/j.1365-2621.1985.tb10571.x
Guéguen, N., & Jacob, C. (2012). The effect of menu labels associated with affect, tradition and patriotism on sales. Food Quality and Preference, 23(1), 86-88. doi:10.1016/j.foodqual.2011.07.001
Iyengar, S. S., & Lepper, M. R. (2000). When choice is demotivating: Can one desire too much of a good thing?. Journal of personality and social psychology, 79(6), 995. American Psychological Association.
Kahneman, D., & Krueger, A. B. (2006). Developments in the measurement of subjective well-being. The journal of economic perspectives, 20(1), 3–24. American Economic Association.
Wansink, B., Ittersum, K., & Painter, J. E. (2006). How Diet and Health Labels Influence Taste and Satiation. Journal of Food Science, 69(9), S340-S346. doi:10.1111/j.1365-2621.2004.tb09946.x
Wansink, B., Vanittersum, K., & Painter, J. (2005). How descriptive food names bias sensory perceptions in restaurants. Food Quality and Preference, 16(5), 393-400. Elsevier. doi:10.1016/j.foodqual.2004.06.005
Citation de cette page :
Gouillou, Philippe (2012) : "Lettre Neuromonaco 8: Faire le bonheur de ses clients". (02 Jan 2012) Neuromonaco. Retrieved from https://neuromonaco.com/lettres/lettre8.htm on 20 Dec 2014. 1208 words.
[Lettre Neuromonaco 8: Faire le bonheur de ses clients](https://neuromonaco.com/lettres/lettre8.htm). Philippe Gouillou. _Neuromonaco_. 02 Jan 2012