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24: Le Marketing du Moi, Moi et Moi

May 10, 2012      Lettres      Philippe Gouillou      one response

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Le marketing a changé : le client moderne ne veut plus de produit de masse, il veut être reconnu, il veut de l’unique. D’un autre côté il a de moins en moins les moyens de se payer du “Bespoke”. Comment faire alors ? Aussi : l’influence du nom sur notre vie et la rebellitude.

1. Le marketing du Moi, Moi et Moi

Que vaut-il mieux faire : produire ou s’occuper de soi ? La publicité ci-dessus donne une réponse claire : ceux qui produisent sont laids.

Il y a eu une évolution historique : il n’y a pas si longtemps la réponse était opposée, il fallait créer, inventer, entreprendre, produire et, hormis pour la célèbre photo d’Einstein tirant la langue (déjà un dérapage), personne ne s’intéressait à l’apparence physique des Newton, Darwin, Dirac, Pauli, Openheimer, etc.

Cette évolution est particulièrement visible sur cette publicité parce qu’elle concerne précisément le marché du moi, mais en fait on la retrouve partout, avec des conséquences majeures. Rappelez-vous par exemple que Naaman et al. (2010) avaient trouvé 80% de “Meformers” contre seulement 20% d'”Informers” (in: Lettre 17: “1. “Réseaux sociaux” : les deux types d’utilisateurs”).

Au niveau marketing son impact est double :

  1. Le développement accru d’un nouveau marché : des produits et services de plus en plus centrés sur soi

  2. L’individualisation : le client s’attend à être considéré à son niveau individuel, en tant que lui, et plus comme un membre indifférencié d’un segment plus ou moins important

L’évolution technologique a permis d’énormes progrès sur ce second point, et c’est le thème de cette lettre.

Photo : Campagne “Spend more time on you.” Advertising Agency: DDB, São Paulo, Brazil – Creative Directors: Sergio Valente, Marco Versolato – Creaters: Ulisses Razaboni, Marcos Abrucio, Cassio Zanatta, Rodrigo Almeida – Photographer: Daniel Klajmic – Illustrator: Quad Studio
Via : Cia Athletica Gym Academy: Cards, Gardening, Origami – Catherine Est Unanime – 29 juillet 2011


2. La personnalisation à outrance

Photoshop DisasterLes millions de Netflix

En 2006, Netflix a mis en jeu 1 million de dollars pour le premier qui parviendrait à améliorer son système de notation de films (pour la recommandation) de 10%. Le prix a été gagné et l’algorithme a été implémenté. En 2008, Netflix a recommencé : toujours $1 M. Le prix a été gagné, l’algorithme n’a jamais été implémenté. Pourquoi ?

Amatriain et Basilico l’expliquent sur le blog de Netflix : entre temps le monde avait changé, et leur marché n’était plus le même. Au départ ils vendaient des DVD expédiés par courrier, c’est-à-dire qu’il y avait toujours un délai d’au moins 1 jour entre l’achat et la consommation et que Netflix ne disposait d’aucune information sur comment se passait celle-ci. Puis le streaming s’est développé. Dès lors la consommation est immédiate et Netflix peut la suivre en temps réel.

Conséquence directe : les algorithmes de Netflix n’ont plus pour objectif de donner la meilleure notation à un film mais de trouver quels sont les films que le client consommera à l’instant, le client étant aussi bien le célibataire d’un soir que la famille ou les enfants (en distinguant les sexes).

Google

Netflix n’est pas le seul : tout se personnalise maintenant. Vous faites une recherche sur Google ? Vous n’obtiendrez pas les mêmes résultats que moi, ou que votre voisin. Google va classer ses résultats en fonction de tout ce qu’il peut savoir sur vous : pas seulement votre lieu de connexion mais aussi votre historique de navigation, vos recherches précédentes, où et quand vous avez cliqué, etc., etc.

Le A/B Testing

Ce lundi est le lendemain du premier tour des élections présidentielles en France : l’ensemble de la presse titre, plus ou moins positivemenent, selon les résultats et selon son lectorat. Chacun connaît plus ou moins l’orientation des grands media, et chacun peut donc choisir en fonction de ses préférences, mais ça reste assez grossier : le choix n’existe qu’au niveau du journal, et il est fixé à l’impression.

L’immédiateté de l’Internet permet de faire mieux en comparant en temps réel quel titre aura le plus de succès. C’est ce qu’on appelle A/B Testing et c’est de plus en plus utilisé par les sites de news : ils mettent en ligne un article accessibles depuis plusieurs titres et, au bout de quelques heures, comparent les clics pour déterminer quel titre a le mieux marché, pour ne conserver que celui-là.

Le point important est qu’il ne s’agit pas de quelque chose de difficile à mettre en place mais de quelque chose à la portée de tous : on trouve même des scripts gratuits (exemple : Genetify) qui permettent de l’implémenter en quelques minutes.

Et l’exemple politique n’est pas anodin : la page Wikipedia FR cite l’exemple de la campagne de Barack Obama en 2008 où l’A/B Testing généralisé avait permis de passer de 8,26% à 11,6% de taux de souscription.

La personnalisation ultime

L’étape suivante est bien sûr la création complète du produit à la volée.

Au niveau des produits matériels, ça arrive : les imprimantes 3D nous permettront bientôt de fabriquer nous même nos objets usuels… jusqu’aux chaussures !

Au niveau immatériel c’est encore plus facile : dès lors qu’un journaliste connaît votre orientation politique, la composition de votre foyer, votre niveau financier et vos derniers achats, il peut facilement entièrement générer l’article qui vous correspond. Très bientôt nous ne lirons plus les mêmes journaux.

Application pratique

Au delà du problème purement technique de la référence ultérieure (qui peut être résolu facilement par l’apposition d’un identifiant unique à chaque version), cette généralisation de la personnalisation va provoquer une baisse de confiance (de même que la démocratisation des logiciels de retouche d’image a détruit la confiance en une preuve photographique).

En plus de la personnalisation obligatoire, il faudra donc renforcer tout ce qui montre de l’inchangeable, du réel, du solide.

Liens

Image :Shiseido: we say don’t” – PSD (Photoshop Disaster)


3. Le nom du Client

Vous le savez : votre nom est le mot le plus important de votre vie et les commerciaux sont formés à le répéter 3 fois au cours de chaque entretien (en pratique ça donne un télémarketeur à l’accent improbable qui l’écorche désespérement…).

En revanche, saviez-vous que l’influence de votre nom atteint tous les niveaux de votre vie (y compris votre durée de vie) ? Quelques exemples :

  • Vitesse d’achat : ceux qui ont un nom dans les dernières lettres de l’alphabet se décident plus vite (Carlson & Conard, 2011)

  • Résultats scolaires : ceux qui ont un nom commençant par C ou D ont de moins bonnes notes que ceux dont le nom commence par A ou B (Nelson & Simmons, 2007)

  • Marques : chacun a une préférence pour les marques ayant la même initiale que son prénom (Hodson & Olson, 2005)

  • Beauté féminine : le nom associé à une femme photographiée explique 6% de la note de beauté obtenue (Erwin, 1993)

  • Mortalité : ceux dont le nom commencent par la lettre “D” (comme Death) meurent … plus jeune (Abel & Kruger, 2010)

L’effet du nom est aussi déterminant sur les produits : le changer modifie la perception des caractéristiques fondamentales d’un produit.

Image :Names“- XKCD – Licence CC-BY


4. La Rebellitude

Rebellitude Comment faire quand on ne peut pas personnaliser ? La seule solution est d’en revenir aux fondamentaux.

C’est la Rolls de la technique du Robinet d’Eau Tiède (voir Lettre 10), et elle se développe de plus en plus : vous pouvez à la fois renforcer la confiance de votre auditoire et le valoriser. C’est la technique qu’utilise fréquemment la presse pour s’attacher son lectorat et vous aussi pouvez en bénéficier.

La technique est très simple : en plus de répéter l’opinion commune la plus banale, vous affirmez qu’il s’agit de quelque chose d’unique, que tout le monde ne connaît pas, qui est réservé à une élite. Si vous êtes journaliste, vous appelez votre article “Contre-Enquête” ou tout autre terme faisant croire à la nouveauté et à l’exclusivité, si vous êtes voyagiste vous proposez de “Voyager autrement“, etc.


5. Vidéo : le marketing, du bon vieux temps à aujourd’hui

Trouvée via “Marketing et Technologies“, cette autopromotion de l’agence berlinoise Scholz & Friends est un superbe historique animé de l’évolution du marketing, depuis le bon vieux temps où les produits étaient rares et la vie des marketeurs faciles, à aujourd’hui où l’offre est surabondante, la pub omniprésente et où le rejet des clients achève de déprimer les marketeurs.

Youtube: “Dramatic Shift in Marketing Reality (Scholz & Friends)” (3’30)


6. Articles cités

Abel, E., & Kruger, M. (2010). Athletes, Doctors, and Lawyers with First Names Beginning with“ D” Die Sooner. Death Studies, 34(1), 71-81. Routledge. doi:10.1080/07481180903411885

Carlson, K. A., & Conard, J. M. (2011). The Last Name Effect: How Last Name Influences Acquisition Timing. jcr-admin.org, 38(2), 300-307. The University of Chicago Press. doi:10.1086/658470

Erwin, P. G. (1993). First names and perceptions of physical attractiveness. The Journal of psychology, 127(6), 625-31. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8301616

Hodson, G., & Olson, J. M. (2005). Testing the generality of the name letter effect: name initials and everyday attitudes. Personality and social psychology bulletin, 31(8), 1099-111. doi:10.1177/0146167205274895

Naaman, M., Boase, J., & Lai, C.-H. (2010). Is it really about me?: message content in social awareness streams. Computer Supported Cooperative Work, 189-192.

Nelson, L. D., & Simmons, J. P. (2007). When Names Sabotage Success. Psychological Science, 18(12), 1106-1112.


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Citation de cette page :

(2012) : "Lettre Neuromonaco 24: Le Marketing du Moi, Moi et Moi". ( Neuromonaco. Retrieved from https://neuromonaco.com/lettres/lettre24.htm on 20 Dec 2014. 1714 words.

[Lettre Neuromonaco 24: Le Marketing du Moi, Moi et Moi](https://neuromonaco.com/lettres/lettre24.htm). Philippe Gouillou. _Neuromonaco_. 10 May 2012



One Response to “24: Le Marketing du Moi, Moi et Moi”

  1. […] C’est tout simple : comme indiqué lettre 35 il suffit de profiter de l’Effet Google en rajoutant un lien hypertexte qui fera croire à une référence, à une preuve. Peu de gens prendront le temps de cliquer pour vérifier, mais l’image de sérieux restera, et si la rumeur est démentie, ce sera la faute de la source du lien. […]

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