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84: Templates et Effet Placebo

September 30, 2013      Lettres      Philippe Gouillou      no responses

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Pourquoi l’effet placebo, ça marche ? Pourquoi suffit-il d’appuyer sur le bon déclencheur pour obtenir une réaction automatique ? Pourquoi a-t-on, réellement, plus de plaisir à boire une boisson de marque qu’une boisson générique ?

Cette Lettre est complémentaire aux Lettres Neuromonaco 53 (“Déclencheurs : le besoin d’exagérer“) et surtout 54 (“Déclencheurs : comment basculer la décision“)

1. Des déclencheurs aux templates

Fleches

Les Lettres Neuromonaco 53 et 54 avaient rappelé que certains stimuli agissent comme des déclencheurs de réactions directes, ce qui permet au cerveau de répondre plus vite[1].

De nombreuses études montrent que ce fonctionnement est général : le cerveau va puiser ses réactions dans un répertoire de templates (modèles).

Les marques préparent le cerveau

Une nouvelle étude de Kühn et Gallinat (2013)[2] explique partiellement pourquoi des produits identiques sont préférés quand ils sont accompagnés d’une marque (ça marche aussi très bien avec le prix[3]) :

  • Quand le produit est connu (marque), le cerveau s’attend à la réaction de plaisir et s’y prépare ;

  • Quand le produit est inconnu (marque inconnue), le cerveau doit réfléchir pour analyser son (dé)plaisir.

Pour ce faire, les auteurs ont fait croire à des testés sous fMRI qu’ils devaient évaluer un nouveau cola de marque T-Cola en le comparant à ceux de Coca, Pepsi et River. Bien sûr, le Cola proposé était toujours le même (un mélange des trois marques).

Quinze personnes de 23 à 50 ans (dont 7 femmes) ont donc chacun fait 48 essais sur une durée de 30 à 35 minutes, à chaque fois en gardant en bouche pendant plusieurs 5 à 7 secondes (afin de pouvoir distinguer la phase d’avalement).

Au niveau des notations :

  • Les testés ont systématiquement préféré Coca et Pepsi à River et T-Cola, mais à l’intérieur de ces deux groupes il n’a pas été trouvé de différence significative.

  • Le “Paradoxe Pepsi” (à l’aveugle, les testés préfèrent généralement Pepsi mais l’effet marque leur fait préférer la boisson siglée Coca : McClure et al., 2004) n’a pas été retrouvé dans cette étude.

Au niveau de la neuroimagerie :

  • Les auteurs ont trouvé une différence significative d’activation du Striatum Ventral Gauche, quoique moins forte chez les grands buveurs de Cola :

Les “Templates” du cerveau

Le point essentiel ici est l’attente : quand le cerveau reconnaît la marque, il active un template (modèle) de réaction qui va décider en grande partie de l’expérience qui sera éprouvée.

Notes

  1. Voir : Lettres Neuromonaco 58.1 : “Le retard du cerveau (et comment il compense)” et 54.2 : “La vitesse du cerveau

  2. Cette étude et ses implications avaient été signalées dans les Actualités Actualités Premium du 8 juillet 2013

  3. Voir : “Les vins chers sont-ils meilleurs ?” par Pierre Barthélémy qui cite : Goldstein et al. (2008), Plassmann et al. (2008) et Shiv, Carmon & Ariely (2005)

Liens

Photo :

Photo mensatic à Santa Fe, New Mexico (Détail). Licence : morgueFile free photo.


2. Placebo : le cas extrême du fonctionnement par template

Danger: Placebo

Sur Scientific American, Ozgun Atasoy cite plusieurs études montrant que l’on peut faire croire à notre cerveau qu’il a des capacités augmentées … et qu’il les aura bien :

  • Weger & Loughnan (2013) ont annoncé à certains testés que la réponse à une question allait leur être préalablement transmise subliminalement par une image trop rapide pour être perçue consciemment, et aux autres que seulement la prochaine question leur serait communiquée de cette manière. Les premiers ont mieux répondu que les seconds … alors que les “messages subliminaux” ne consistaient dans un cas comme dans l’autre que de successions de lettres aléatoires.

  • Langer et al. (2010) ont mis des testés dans un simulateur de vol et ont mesuré leur vue. Les tests effectués quand le simulateur était actif ont montré une meilleure vue que ceux quand le simulateur était immobile, et ce n’était pas une question de motivation.

  • Langer et al. (2010) ont mesuré la vue à partir de panneaux standards mais montrant des lettres y apparaissant étaient plus petites. Les testés ont bien montré de meilleurs résultats.

  • Crum & Langer (2007) ont appris à une partie du personnel de ménage d’un hôtel que leur travail quotidien suffisait à couvrir les besoins recommandés en activité physique. Au bout de quatre semaines, ces personnes ont montré les résultats attendus d’une activité sportive (perte de poids, meilleure pression sanguine, etc.) alors que leur travail n’avait en rien changé et ne différait pas de celui du groupe témoin (à qui rien n’avait été dit).

  • Pollo et al. (2008) ont fait porter des charges lourdes à des testés après leur avoir fait boire des boissons caféinées ou non. En fait le taux de caféine de chaque boisson était toujours nul, mais les chercheurs réduisaient secrètement le poids de la charge à porter après avoir bu une boisson censée être caféinée, afin d’associer dans l’esprit des testés cette boisson à moins de fatigue. Après cet “apprentissage”, quand les testés ont bu la boisson censée être caféinée, ils ont montré moins de fatigue pour porter le poids complet.

  • Goebel et al. (2008) ont donné un médicament anti-allergique après une boisson ayant un goût nouveau. Par la suite il leur a suffi de donner la boisson avec un faux médicament pour obtenir le même effet thérapeutique.

  • Benedetti et al. (2003) ont pu remplacer des injections de principes actif par des injections salines pour augmenter l’hormone de croissance.

  • Petrovic et al. (2005) ont pu faire de même avec des anxyolitiques.

  • Benedetti Carlino & Pollo (2011) ont montré que l’effet placebo s’accompagne de changements chimiques et connexionnels dans le cerveau.

Se croire alcoolisé pour se croire beau

Une autre étude a fait la une récemment pour son Prix IgNobel 2013 : Bègue et al. (2013) ont trouvé que c’est le fait de se croire alcoolisé qui nous fait nous croire plus attirant.

Dans une interview à Rue 69, Laurent Bègue résume :

“C’est uniquement un effet placebo. Vous pouvez très bien être à un gramme d’alcool, si vous ne le savez pas, vous ne vous trouvez pas plus beau.”

et il ajoute :

“L’effet placebo de l’alcool a aussi déjà été appliqué au domaine sexuel : des personnes que l’on conduit simplement à croire qu’elles ont bu de l’alcool (sans qu’elles n’en consomment en réalité) sont sexuellement plus excitées, ou montrent plus d’intérêt pour la sexualité.”

Self-control

L’effet placebo aurait aussi un impact sur notre self-contrôle. L’approche générale est qu’on n’a qu’une dose limitée de self-contrôle et que celle-ci est liée au taux de glucose (voir Lettre Neuromonaco 13 : “Confiance en soi, Estime de soi et Succès“) mais Job et al. (2010, 2013) ont trouvé que la croyance, ou non, en cette limitation du self-contrôle modifie l’impact du glucose.

Templates et Placebo

Le point commun à tous ces effets est encore que c’est l’attente qui détermine le résultat : le cerveau réagira comme ce à quoi il s’attend.

L’effet Placebo / Nocebo n’est qu’une conséquence (parfois extrême) du fonctionnement par template du cerveau.

Liens


3. Application pratique : les 3 niveaux (Premium)

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4. Justice : la prison par défaut (“Decision Fatigue”) (Premium)

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5. Actualités (Premium)

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Cette semaine : comment on peut avoir tout faux sur une donnée statistique et une remise en cause de l’origine de l’intelligence.

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6. Video : Le Gradualisme du vieillissement

Gradualism

Cette vidéo a fait beaucoup de bruit ces dernières semaines : elle montre que le vieillissement d’une vie est imperceptible… mais réel.

Elle est une excellente illustration du “Gradualisme” en évolution, qui avait été présenté Lettre Neuromonaco 14 (“Dinosaures : faut-il mourir pour “s’adapter” ?“) avec cette copie-écran du site Evopsy :

Evolution : Gradualisme

Présentation par l’auteur (traduction personnelle) :

“J’ai essayer de créer une personne dans le but d’émuler le processus de vieillissement. L’idée était que quelque chose se passe mais vous ne pouvez pas le voir mais vous pouvez le sentir, comme le vieillissement en lui-même.”

Still Photographer: Keith Sirchio
Animator: Nathan Meier
Animator: Edmund Earle
Nuke Artist: George Cuddy
Music: Mark Reveley
©2013 Anthony Cerniello

Vimeo #74033442 : Danielle (4’58”)


7. Articles cités

Section 1. Des déclencheurs aux templates

Goldstein, R., Almenberg, J., Dreber, A., Emerson, J. W., Herschkowitsch, A., & Katz, J. (2008). Do More Expensive Wines Taste Better? Evidence from a Large Sample of Blind Tastings. AWE Working Paper. [PDF]

Kühn, S., & Gallinat, J. (2013). Does taste matter? How anticipation of cola brands influences gustatory processing in the brain. PloS one, 8(4), e61569. doi:10.1371/journal.pone.0061569 [PDF]

McClure, S. M., Li, J., Tomlin, D., Cypert, K. S., Montague, L. M., & Montague, P. R. (2004). Neural correlates of behavioral preference for culturally familiar drinks. Neuron, 44(2), 379–87. doi:10.1016/j.neuron.2004.09.019

Section 2. Placebo : le cas extrême du fonctionnement par template

Bègue, L., Bushman, B. J., Zerhouni, O., Subra, B., & Ourabah, M. (2013, Epub 2012 May 15). “Beauty is in the eye of the beer holder”: people who think they are drunk also think they are attractive. British journal of psychology, 104(2), 225–34. doi:10.1111/j.2044-8295.2012.02114.x

Benedetti, F., Carlino, E., & Pollo, A. (2011). How placebos change the patient’s brain. Neuropsychopharmacology : official publication of the American College of Neuropsychopharmacology, 36(1), 339–54. doi:10.1038/npp.2010.81

Benedetti, F., Pollo, A., Lopiano, L., Lanotte, M., Vighetti, S., & Rainero, I. (2003). Conscious expectation and unconscious conditioning in analgesic, motor, and hormonal placebo/nocebo responses. The Journal of neuroscience : the official journal of the Society for Neuroscience, 23(10), 4315–23. Pubmed: 12764120

Branthwaite, A., & Cooper, P. (1981). Analgesic effects of branding in treatment of headaches. British medical journal (Clinical research Edition), 282(6276), 1576–1578.

Crum, A. J., & Langer, E. J. (2007). Mind-set matters: exercise and the placebo effect. Psychological science, 18(2), 165–71. doi:10.1111/j.1467-9280.2007.01867.x

Goebel, M. U., Meykadeh, N., Kou, W., Schedlowski, M., & Hengge, U. R. (2008). Behavioral conditioning of antihistamine effects in patients with allergic rhinitis. Psychotherapy and psychosomatics, 77(4), 227–34. doi:10.1159/000126074

Job, V., Dweck, C. S., & Walton, G. M. (2010). Ego depletion–is it all in your head? implicit theories about willpower affect self-regulation. Psychological science, 21(11), 1686–93. doi:10.1177/0956797610384745

Job, V., Walton, G. M., Bernecker, K., & Dweck, C. S. (2013). Beliefs about willpower determine the impact of glucose on self-control. PNAS. doi:10.1073/pnas.1313475110

Langer, E., Djikic, M., Pirson, M., Madenci, A., & Donohue, R. (2010). Believing is seeing: using mindlessness (mindfully) to improve visual acuity. Psychological science, 21(5), 661–6. doi:10.1177/0956797610366543

Petrovic, P., Dietrich, T., Fransson, P., Andersson, J., Carlsson, K., & Ingvar, M. (2005). Placebo in emotional processing–induced expectations of anxiety relief activate a generalized modulatory network. Neuron, 46(6), 957–69. doi:10.1016/j.neuron.2005.05.023

Plassmann, H., O’Doherty, J., Shiv, B., & Rangel, A. (2008). Marketing actions can modulate neural representations of experienced pleasantness. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 105(3), 1050–4. doi:10.1073/pnas.0706929105

Pollo, A., Carlino, E., & Benedetti, F. (2008). The top-down influence of ergogenic placebos on muscle work and fatigue. The European journal of neuroscience, 28(2), 379–88. doi:10.1111/j.1460-9568.2008.06344.x

Shiv, B., Carmon, Z., & Ariely, D. (2005). Placebo Effects of Marketing Actions: Consumers May Get What They Pay For. Journal of Marketing Research, 42(4), 383–393. doi:10.1509/jmkr.2005.42.4.383

Weger, U. W., & Loughnan, S. (2013). Mobilizing unused resources: using the placebo concept to enhance cognitive performance. Quarterly journal of experimental psychology (2006), 66(1), 23–8. doi:10.1080/17470218.2012.751117


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Citation de cette page :

(2013) : "Lettre Neuromonaco 84: Templates et Effet Placebo". ( Neuromonaco. Retrieved from https://neuromonaco.com/lettres/lettre84.htm on 20 Dec 2014. 2253 words.

[Lettre Neuromonaco 84: Templates et Effet Placebo](https://neuromonaco.com/lettres/lettre84.htm). Philippe Gouillou. _Neuromonaco_. 30 Sep 2013



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